Comment guérir de votre envie d'aller chez le médecin

Dans l'actualité, on apprend souvent des nouvelles dont on se demande quel intérêt elles peuvent bien avoir. Par exemple, on a dit aujourd'hui que les ventes de parapluies avaient augmenté de 66% en juillet-août, information qui pourrait en interpeller certains mais pas moi. Non pas que j'aime la pluie mais quand il pleut, il pleut (et ça mouille, même). Je suppose que ma personnalité est construite comme ça, il y a des tas de choses dont je me fous complètement, à commencer par les parapluies puisque si là, tout de suite, il se mettait à pleuvoir dans la pièce, je ne saurais même pas où aller pour en trouver un. Comme il ne pleut pas dans la pièce, de toutes façons cela n'a aucune importance.

Donc passons à une autre information qui elle est très importante, au moins pour ceux qui comme moi ont le souci d'écrire correctement en français. Eh bien ceux-là seront heureux d'apprendre qu'il existe désormais un mot bien franchouillard, dans le dico, pour appeler un blog, car depuis cette année, un blog (américain, donc beurk) est un "blogue" (français, donc génial) ! C'est officiel, ils l'ont dit dans Des chiffres et des lettres, émission que je ne rate plus depuis que j'ai reçu le jeu en DVD-ROM, pour mon petit Noël ou quelque chose comme ça. Mais bon on s'en fout, je ne suis pas là pour parler de moi, même si ça fait déjà le deuxième paragraphe où je parle de moi et des infos qui ne changent rien à ma vie quotidienne...

Dans le même genre de nouvelles que je ne comprends pas vraiment, puisque quelque part je m'en fous, j'ai appris avec quand même un petit étonnement qu'à partir de maintenant, les médecins français auraient accès, via la carte Vitale, à la liste de tous les médicaments qui auront été prescrits aux patients qu'ils recevront au cours des douze mois précédents. Mieux encore, grâce à l'accès aux remboursements de Sécu, les médecins auront accès aux arrêts de travail (bulleur, l'heure de la vengeance de l'Etat a sonné !), mais pas au contenu des examens passés au cours des douze mois précédant l'enquête qu'ils pourront maintenant réaliser sur vous, pendant que regardant le médecin perplexe devant son ordinateur (le médecin a toujours l'air d'un débile à ce moment-là), vous serez persuadés qu'il cherche simplement le curseur de la souris, comme au bon vieux temps... Ben non, le médecin verra votre parcours médical étalé sous ses yeux, sans savoir si votre dernière prise de sang a montré que vous étiez rempli de Ricard ou de soda.

A quoi sert donc le dispositif, alors, si le médecin n'a même pas accès aux résultats d'examens, ce qui obligera le patient à toujours se trimbaler avec les mêmes papelards pour aller voir un gars qui lui facture plus de vingt euros pour un tube d'aspirine ? D'après les grosses têtes du ministère de la Santé, cela permettra de prévenir les "interactions médicamenteuses". Aussi de repérer les "gros consommateurs de soins". Pour faire quoi de cette information ? Mystère...

Et là, l'explication du fonctionnement du truc, qui au début avait autant d'intérêt pour moi que l'augmentation des ventes de parapluies ou le fait de savoir qu'un blog en français s'écrit un "blogue" commence à me titiller. Je me demande si en cas "consommation" de soins jugée excessive par lui ou par un ordinateur central, le médecin ne va pas faire semblant d'ouvrir la porte du cabinet en appuyant sur un bouton, qui provoquera en fait le déclenchement d'une sonnette dans une pièce contigüe d'où surgira Roselyne Bachelot en string ficelle, histoire de guérir définitivement ceux qui sont trop souvent malades de leur envie d'aller chez le toubib pour un oui ou pour un non...

Car enfin, le patient dans tout ça ?... Une merde. On ne lui demandera pas son avis. Et cela ne changera finalement pas grand-chose pour lui, car pour perpétuer une espèce de mode à la con qui les entretient dans la certitude qu'ils sont des génies, en fait de vérification des possibles interactions médicamenteuses, la plupart des médecins qui les ignorent et qui s'en foutent continueront par principe de prescrire des médicaments qui n'ont pas été prescrits auparavant par leurs confrères. La "patte" personnelle, si vous préférez... Rituelle chez tous les médecins, qui souffrent de la même maladie contagieuse depuis qu'étudiants en médecine, on leur a expliqué que le patient n'était qu'un bout de barbaque, un cobaye, un "truc" auquel on administre des traitements un peu au pif pour voir si les yeux vont sortir des orbites ou s'ils vont au contraire être aspirés par le cerveau...

C'est beau la médecine. On n'a pas encore trouvé mieux (à part la Défense) pour justifier la disparition du pognon des Français par cargos entiers. Quant au système "web médecin", déjà approuvé par la CNIL (ça en fait des gens qui bossent comme des fous), il permettra aux patrons des boîtes d'informatique, prestataires du ministère de la Santé (dirigées par des copains des politiques ?), de se faire des testicules en platine, alors qu'avant elles n'étaient qu'en or brut.

Pour moi comme pour vous, le système "web médecin" changera quand même une toute petite chose. Oh, presque rien. Vous ne verrez pas Bachelot en string (du moins il faut l'espérer), mais quand vous arriverez dans le cabinet du médecin-vérificateur-fonctionnaire-informaticien, il pourra vous tendre un petit bout de papier avec des cases à cocher : "snif" pour le rhume, "aïe" pour le bobo au petit doigt, "siège-ouille" pour les hémorroïdes... Même plus besoin de parler. Il glissera la carte Vitale dans la fente d'un lecteur, commencera à rédiger son ordonnance en inscrivant, donc, le nom de médicaments que les autres médecins ne vous auront jamais prescrits, et pour les moins chanceux un dispositif compliqué ouvrira la fenêtre du cabinet avant de les catapulter sur le trottoir. Fin de la consultation.

Ce sera un nouveau pas vers une médecine de meilleure qualité, plus efficace, plus rentable... Sauf pour vous, qui ne serez pas mieux soignés qu'avant, mais qui ne pourrez pas trop la ramener puisque le médecin saura désormais tout ce qu'il y a à savoir sur vous à partir des traitements que vous aurez pris. "Alors comme ça on couche à droite à gauche ?... Ah ? Et là je vois que vous avez fait une petite varicelle ? Est-ce que c'était pendant votre arrêt de travail du tant au tant où si j'en crois votre prescription pour du Viagra, vous avez remis ça avec quelqu'un qui l'avait ?".

Super... Ca me donne envie d'aller voir le médecin. Pas vous ?

Les médecins français ont désormais accès à l'historique des médicaments
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