Pouvoir d'achat : Sarkozy s'obstine dans ses fixations d'attardé mental
Quand l'actualité m'amène à reparler des théories, complètement grotesques, de Nicolas Sarkozy pour "réformer" la grande distribution, ce qui aboutirait selon l'homme à une augmentation du pouvoir d'achat des Français (on ne rit pas s'il vous plaît), j'ai toujours envie de renvoyer mes lecteurs au même article qui date du 1er septembre dernier, dans lequel j'expliquais au non-initié deux ou trois choses dont on oublie souvent de parler quand on parle de la grande distribution, des mentalités qui y ont cours, des pratiques qui font tout le "sel" du quotidien (voir le dernier lien en bas de page, même si la plupart des lecteurs doivent bien le connaître à présent...).
Depuis le 1er septembre 2007, pourtant, on n'a pas avancé d'un iota, ou plutôt si. Malheureusement. A présent, Nicolas Sarkozy tient plus que jamais à imposer une pseudo-réforme favorisant la concurrence entre distributeurs, de même que la libre négociation des tarifs entre producteurs et distributeurs, ignorant par simple crétinisme, j'en ai bien peur maintenant, que les prix de vente en petites, grandes et moyennes surfaces ne dépendent plus depuis des années du prix d'achat des marchandises que d'une façon tout à fait marginale... : la seule chose qui compte pour tous, producteurs, grossistes (quand il y en a encore) et distributeurs étant justement... la "marge". Et à ce petit jeu-là, qui consiste à la faire exploser sans cesse, en repoussant toujours plus loin les limites de la "performance" (celle qui détruit notre pays), ce sont toujours et uniquement les poids lourds du secteur agro-alimentaire et les grands distributeurs qui font la loi. Imposant leurs prix à des copains qu'ils rackettent, avant que ceux-ci ne se mettent à les racketter en réaction (marges arrières), puis que les premiers ne remettent le couvert d'une autre manière, etc., etc., etc.
Du fait de mécanismes bien connus et parfaitement maitrisés, depuis le temps (plus de quarante ans tout de même), par ceux qui travaillent dans la distribution, le prix psychologique par exemple, ou prix qu'un consommateur va trouver "juste" de débourser pour s'offrir un produit ou un service, et qui était une notion fondamentale en marketing dans la détermination des prix de vente, a tout simplement disparu. Surtout depuis qu'on s'est aperçu, dans l'alimentaire mais aussi dans des secteurs (ou rayons) comme l'électro-ménager, que si tout le monde vendait les mêmes produits au même prix, le consommateur finissait bien par être "obligé" d'acheter "ses" produits quelque part, quand bien même il en trouverait le prix scandaleusement élevé (et c'est de plus en plus souvent le cas)...
L'"entente" tout court a cédé la place à l'entente tacite, sans que qui que ce soit y trouve quoique ce soit à redire (et surtout pas Michel Edouard Leclerc, qui n'est qu'un boss d'une familia parmi d'autres) : industriels comme distributeurs ont pris l'habitude de "marger à mort" sur des produits qui seraient prétendument devenus plus difficiles ou plus coûteux à produire, donc prétendument plus coûteux à l'achat aussi pour les distributeurs (cas notamment des produits pour lesquels le prix des matières premières serait officiellement en hausse, comme c'est le cas actuellement pour les produits lactés ou les produits à base de farine), et tout le monde s'est naturellement mis à vendre les mêmes produits aux mêmes prix... Afin, car c'était la seule issue possible pour que le complot fonctionne, que tout le monde puisse fourguer sa camelote à un consommateur qui n'a plus aucun choix, et qui doit casquer indéfiniment pour remplir au quart un frigo qu'autrefois il pouvait bourrer ras la gueule pour le même prix.
Ils sont toujours trop élevés en France, les prix, mais c'est devenu obligatoire, quand le distributeur est tenu de racketter ses clients nationaux pour financer ses rêves de grandeur en Chine (exemple de Carrefour), ou pour blanchir ses profits colossaux dans des filiales qui font évidemment du... crédit à la consommation, avec des prêts assortis de taux de l'ordre de 16% (!)... tout comme il est devenu obligatoire, pour le producteur, de racketter autant que possible tous les distributeurs, en margeant beaucoup plus que nécessaire (au bon fonctionnement et même au développement de son entreprise), après avoir d'abord racketté ses propres fournisseurs de matières, qui vont à leur tour être tenus de racketter les leur pour survivre, la chaîne faisant souvent des kilomètres de long avant que le consommateur n'arrive à trouver un paquet de café standard de 250 grammes, dans une enseigne "pas particulièrement chère", à... 11,08 francs dans les rayons (1,69 euro) !
44,32 francs, ça fait cher le kilo de café "standard" ! "Et" vendu dans les rayons d'une enseigne pas particulièrement chère, s'il vous plaît, où si l'on voulait s'amuser, on pourrait tout aussi bien prendre en exemple à peu près n'importe quel produit alimentaire...
Le paquet de quatre pots de yahourts de 125 grammes, "aux fruits", à 1,85 euro, soit 12 francs et 15 centimes les quatre yahourts, ou 3 francs et 3 ou 4 centimes "le" yahourt si vous préférez, pour un prix de (on s'assied)... 24,30 francs le kilo de yahourt aux fruits ! Au moins le prix d'un litre et demi de Ricard !!!
Il y a le paquet de beurre tendre "standard" aussi, de 250 grammes, toujours dans la même enseigne "pas particulièrement chère", mais tout de même à... 2,18 euros l'unité : ça fait 14 francs et 30 centimes le paquet de beurre, et (on ne s'est pas levé j'espère ?) ça nous met le kilo de beurre à... 57 francs 20 !!!
Exemples dramatiquement éloquents (écoeurants serait plus approprié), puisque si on en était resté aux bons vieux francs, un kilo de beurre et un kilo de café comme ceux que nous avons choisis ici au hasard nous "coûteraient" (effectivement) 101 francs et 52 centimes !
Autant dire qu'il ne se trouverait quasiment aucun Français pour les acheter, sauf peut-être un nabab qui aurait oublié de faire ses courses et qui n'aurait plus rien à la maison, obligé d'aller très tard le soir chez un épicier arabe de... allez au hasard, Neuilly-sur-Seine !
On ne fera pas au lecteur l'affront de lui donner le prix moyen d'une baguette de pain "standard", non plus (plus de cinq francs !), le p'tit déj' que l'on prenait autrefois avec un simple bol de café (sans lait, c'est devenu beaucoup trop cher pour nous), des tartines beurrées et du sucre (plus de quarante francs le kilo, le sucre !!!), étant tout à fait hors de portée pour les bourses de Français qui s'ils s'amusaient à compter ce qu'ils dépensent en simples produits de première nécessité, iraient immédiatement tirer deux cartouches de calibre 12 entre les deux yeux du visage toujours souriant de Michel Edouard Leclerc (...), qui pour donner une leçon de morale par jour à toutes les corporations existantes, y compris la sienne, n'en pratique pas moins des prix du même ordre pour tous les produits dont nous venons de parler.
Explication(s) ? Des centaines... Arrivée de patrons et (ou) d'actionnaires voyous, qui pillent tout pays toute victime qui se laisse piller avant d'aller s'implanter ailleurs, ou de se diversifier quand les ventes commencent à stagner quelque part, avec depuis quarante ans une absence totale de réaction de l'Etat, qui non content d'avoir toujours encouragé le racket maintenant en vigueur à asbolument tous les niveaux dans la profession, a toujours fermé les yeux sur les nombreux cas d'élus qui se sont faits arroser en échange de leur signature pour un permis de construire ou pour l'autorisation d'ouverture d'un hyper... On pourrait parler aussi des nouvelles modes qui font fureur depuis déjà quinze ans dans les entreprises françaises, qui consistent à repousser toujours plus loin les limites de l'immoralité, en n'embauchant plus jamais en CDI même quand on a multiplié ses marges par dix en dix ans, ou en faisant du chantage au licenciement pour exiger des autorisations d'ouverture le dimanche (!)...
A chaque fois que la grande distribution, ou la distribution en général, a poussé le bouchon trop loin, c'est-à-dire pratiquement tous les jours depuis une bonne quarantaine d'années, l'Etat français n'a rien dit. Ni rien fait.
Ce qui, somme toute... valait beaucoup mieux que de faire véritablement n'importe quoi, comme Nicolas Sarkozy qui veut aujourd'hui continuer à se persuader que quelqu'un va négocier quelque chose avec quelqu'un d'autre une fois qu'on aura ouvert des centaines, ou plus probablement milliers de centres de racket supplémentaires : effet désastreux garanti sur le pouvoir d'achat. Mais allez essayer de faire comprendre comment les choses fonctionnent à un attardé qui répond on va "mettre le paquet sur ces histoires" (il faut quand même oser sortir le mot) quand on lui demande ce qu'il a l'intention de faire pour protéger le petit commerce...
Essayer de faire sortir un éclopé du cerveau de son carcan d'idiot du village serait probablement beaucoup plus complexe que de résoudre à la fois les problèmes de pouvoir d'achat et de chômage de masse en France, du moins pour un président de la République qui serait digne d'occuper la fonction. Qui aurait le QI qui doit aller avec, en somme.
A lire bien sûr pour celles et ceux qui ne l'auraient pas encore fait, la visite de Sarkozy à Bois d'Arcy (chez Michel Edouard, dernier lien en bas de page) : une petite plongée instructive dans le monde impitoyable de la grande distribution, que j'aurais bien épargnée à mes lecteurs, mais après tout ils avaient "le droit de savoir". Et comme je ne suis pas Charles Villeneuve...
Nicolas Sarkozy sur le pouvoir d'achat : "Je pense que ce n'est pas foutu"
(NDR : eh ben, on n'est pas sortis...)
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/economie/20080513.OBS3575/nicolas_sarkozy_sur_le_pouvoir_dachat__je_pense_que_ce_.html
Leclerc veut (NDR : déjà !) une réforme plus radicale
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/economie/20080512.OBS3418/leclerc_veut_une_reforme_plus_radicale.html
(*) Tout ce que Sarkozy n'a pas "vu" à Bois d'Arcy
http://poliblog.canalblog.com/archives/2007/09/01/6064275.html