Borloo : le pays de tous les succès
Il en a des raisons d'être content, Jean-Louis Borloo !!!
Le Chèque emploi service universel (CESU) continue de casser la baraque, selon une information communiquée ce matin dans le journal sur i>télé : avec une progression de 5% par an depuis 2003, le CESU ferait travailler pas moins de 650.000 personnes, ce dont se félicite Jean-Louis qui est un ardent défenseur du travail à domicile et qui est aussi extrêmement satisfait des résultats qu'il a obtenus dans la lutte contre le chômage.
Seuls petits problèmes, selon les statistiques, les Français qui bénéficient du CESU travaillent en moyenne 36 heures par mois (soit 9 heures par semaine), pour un salaire égal ou proche du minimum légal. Autant dire qu'ils sont très loin de pouvoir remplir un caddie de supermarché... Pas très grave, car 90% des "bénéficaires" sont des femmes et la mode est en ce moment aux tailles de guêpe. Enfin, 1/3 des prestations concernent la garde d'enfant(s). Des enfants des autres, évidemment, car on voit mal comment une femme qui "travaille" grâce au CESU pourrait assurer un avenir décent à sa propre progéniture.
Etrange et terrifiant constat : d'une certaine manière, le changement des mentalités est un signe supplémentaire qu'il n'existe plus de classe moyenne en France. D'un côté, une fois n'est pas coutûme, on retrouve les riches et les sans-papiers qui seront bientôt les seuls à pouvoir "s'offrir" des enfants, de l'autre on retrouve les sans salaire et les très petits salaires qui ne pourraient pas s'en sortir avec une bouche de plus à nourrir. Entre les deux, l'ex-Français moyen qui marne pour payer ses impôts et qui ne cesse de s'appauvrir.
Pire encore : en corrigeant les chiffres et en tenant compte de la durée moyenne d'activité pour les Français concernés par le CESU, on arrive à un résultat "maximum" de 130.000 emplois à temps plein... qui dépasse très largement la réalité : d'une part, on ne peut pas convertir aussi facilement des emplois à temps partiel (light !) en emplois à temps plein et d'autre part, 99,99% des bénéficiaires de chèques emploi service "devraient" logiquement être en-dessous du seuil de pauvreté, si certains d'entre eux ne pouvaient pas compter par ailleurs sur des allocations sans rapport avec le CESU, ou sur un conjoint qui travaille et qui gagne correctement sa vie (disons le SMIC...).
Jean-Louis Borloo s'en fout : il a éradiqué le chômage en France et dans les moins de trente jours qui nous séparent encore du premier tour, il aura certainement tordu le cou à la pauvreté et à la précarité en France, en Europe, en Afrique du Sud et même au Darfour. Nicolas Sarkozy aussi s'en fout : les bénéficiaires du CESU font partie des mauvais Français qui ne se lèvent pas assez tôt le matin, et ils devraient être flagellés en public. Ségolène Royal s'en fout : elle ne sait pas remplir un chèque, mais on peut supposer qu'elle serait d'accord pour que tous les oisifs qui bénéficient du CESU connaissent par coeur l'hymne national. François Bayrou, pour terminer, s'en fout complètement lui aussi : au fond de sa campagne, François n'a jamais vu un Français faire quarante-cinq kilomètres à vélo pour aller travailler une heure et demie dans la journée.
Le petit sujet d'i>télé conclut que parallèlement à la réussite extraordinaire que constitue le chèque emploi service en France, on n'a toujours aucune idée de ce que représente le travail au noir. Ni en termes d'emplois non-créés par les entreprises, ni en termes de revenus qui échappent au fisc, ni en termes d'influence sur la perception que les Français peuvent avoir de leurs hommes politiques (çà c'était ma petite touche personnelle). Comme je le disais dans un récent sujet sur Nicolas Sarkozy, les Français sont surtout des bipèdes insignifiants dont la seule utilité est de voter et ensuite de faire rire dans les dîners des politiques.
Le travail au noir d'ailleurs, Jean-Louis Borloo s'en fout aussi : dans moins d'un mois on remettra tous les compteurs à zéro. Nicolas Sarkozy s'en fout également, mais il aimerait bien récupérer l'argent (et peut-être en profiter pour organiser quelques reconduites). Ségolène Royal s'en fout, même si on peut raisonnablement penser qu'elle aimerait bien saigner à blanc tous ceux qui se sont trop enrichis grâce au travail au noir... à condition de pouvoir les identifier. François Bayrou, enfin, s'en fout toujours complètement : il trouve beaucoup plus urgent de détaxer les heures supplémentaires.
C'est sûr, on va aller loin avec celui (celle) de ces trois candidat(e)s qui sera élu Président(e) de la République.