Fallait-il vraiment pousser les syndicats à bout ?
Confrontation quelque peu tendue ce matin sur i>Télé entre Didier Le Reste (photo), secrétaire général de la CGT-Cheminots, et Nadine Morano, députée UMP de Meurthe-et-Moselle qui était déjà connue pour son aptitude à transformer rapidement toute rencontre avec des adversaires politiques ou autres en pugilat potentiel.
Refus de plier contre mauvaise foi, à quelques heures peut-être de ce que l'on pouvait encore voir comme une rencontre de la dernière chance (entre Xavier Bertrand et la CGT, mais la rencontre aura-t-elle seulement lieu ?) entre un gouvernement qui a tout fait pour provoquer l'affrontement et des cheminots qui paraissent de moins en moins hostiles au même affrontement. C'était, pour les différents protagonistes de chaque camp, l'une des dernières occasions de se rencontrer devant les médias avant le démarrage du conflit, qui a déjà commencé à Marseille aux environs de 13 heures, suite à l'agression collective d'un groupe de contrôleurs de la SNCF (bravo Sarko...).
Le Reste étant en quelque sorte l'artillerie lourde de la CGT, alors que Morano serait plutôt un bel exemple de ce qu'il peut exister de pire dans le monde politique, la discussion s'est vite enflammée, Nadine Morano déformant comme à son habitude tout ce qui pouvait l'être ("donc vous êtes contre l'égalité ?!"), voire mentant de façon carrément ehontée (60% des Français seraient contre la grève selon elle), alors que Le Reste a plus ou moins poliment refusé de s'abaisser à discuter avec une branque qui ne connaît rien du dossier, se contentant de répondre en gardant un sang-froid relatif (un exploit, face à une Morano qui comme souvent était déchaînée) qu'il refusait d'accepter ce qu'il voit comme un alignement par le bas (on pourrait aussi parler de nivellement)...
En clair, la situation paraît plus tendue que jamais entre carpettes de l'UMP et fonctionnaires bien décidés à défendre leurs acquis, et plus le temps passe, plus on peut se permettre de douter du succès de l'"opération Sarkozy", étape préalable aux lancements tous azimuts de mesures qui viseront ensuite à mettre au pas l'ensemble du secteur privé, après avoir mis au pas l'ensemble du secteur public (si toutefois on y arrive).
Conscient du véritable enjeu, Le Reste a notamment mis l'accent sur ce que l'on doit désormais considérer comme étant des "exigences" du MEDEF, dont le président de la République lui-même est devenu le plus fervent porte-parole, en dépit d'un discours qui a quelque peu fait jaser à Strasbourg... : Sarkozy y a longuement dépeint une France qui "serait" éprise de valeurs telles que la justice sociale ou une bien obscure justice capitaliste alors que dans les faits, il n'est pas besoin d'être Français pour constater que la politique conduite dans le pays va exactement à l'encontre des sornettes réservées aux européens...
N'ayant guère le temps de vraiment se demander qui a raison et qui a tort, des Français de région parisienne qui travaillent se sont rués dès aujourd'hui sur les véhicules de location de tous types (scooters, autos, vélos), certains allant jusqu'à s'acheter un vélo bas de gamme en pensant que la conflit est bien parti pour durer plus d'une journée (il est clair qu'ils ont raison)...
"Payer plus pour travailler normalement", en dépensant pour certains dès la veille de la grève une somme qui dépasse ce qu'il gagnent parfois en plusieurs jours... ne faisait sans doute pas partie de ce que tout le monde avait compris au travers du slogan "travailler plus pour gagner plus".
Ceci dit, malgré un soutien qui peut être réel de la part d'une majorité de Français, le chef de l'Etat et le gouvernement, par leur refus de négocier, porteront seuls la responsabilité d'une grève qu'ils ont non seulement provoquée mais aussi "voulue", dans le but évident de se mettre dans la poche tous ceux, nombreux, qui considèrent à présent le fonctionnaire comme une sorte d'excrément de la société.
On verra ce que tout cela donnera... A priori, absolument rien de bon.