Les révoltés du dimanche rentrent dans le rang
A l'approche du premier tour, les événements des derniers jours montrent qu'en fin de course, au moins, je me suis planté assez largement en ce qui concerne l'extrême-gauche.
Jusqu'à maintenant, en ignorant complètement jusqu'au parti communiste qui n'est plus qu'un embryon de parti par rapport à ce qu'il a pu représenter dans le passé, Ségolène Royal avait couru délibérément le risque de voir se retourner contre elle une extrême-gauche qui ne retrouvait pas les valeurs qu'elle entendait défendre dans le discours de la candidate socialiste.
On peut dire, d'ailleurs, qu'il y a eu une "rébellion" massive de l'extrême-gauche contre le parti socialiste il n'y a pas si longtemps. Aussi bien chez la LCR que chez Lutte Ouvrière, Bové ou Voynet (et Schivardi), tout le monde a appelé à un moment ou à un autre à ne pas soutenir Ségolène Royal, mais l'échéance tant redoutée approchant, toute la gauche extrême resserre discrètement les rangs autour de Miss Poitou, et ceux qui refusaient hier de soutenir Ségo commencent à faire le grand écart pour éviter une déroute de toute la gauche qui est en passe de devenir une réalité.
Difficile de rouler un patin à Ségolène Royal sans fâcher à mort des militants qui se sont une fois de plus laissés berner comme des bleus, et qui ont vraiment cru pendant quelques semaines que la gauche pouvait revenir "à gauche" !
José Bové, par exemple, ne craint pas de dire aujourd'hui qu'il ne donnera aucune consigne de vote mais qu'il votera pour Ségolène Royal au second tour ! Idem ou presque pour Lutte Ouvrière, où Arlette commence à manier le concept de front "anti-Sarkozy" alors que parallèlement, elle refuse toujours de soutenir Ségolène Royal. A la tête de la LCR, même chose ! Les révolutionnaires du dimanche, dont la plupart sont appointés par l'Etat (!), commencent à ravaler leur fierté en disant qu'il faut placer l'élimination de Sarkozy au-delà de tout autre objectif poursuivi. Et chez les Verts, pour finir, Dominique Voynet (on pouvait s'y attendre) a été la première, dans le camp extrême, à renier totalement tout ce qu'elle disait hier en évoquant d'une façon on ne peut plus claire une nécessaire entente avec le PS entre les deux tours !
C'est de ma faute. Pas la situation bien sûr, mais l'analyse qui capote quand on arrive à la fin. Je n'ai pas senti le vent venir. Une fois de plus, ébloui par ma propre naïveté sur des concepts comme l'engagement politique, la défense de certaines valeurs dans lesquelles on croit vraiment, la fidélité à une ligne de conduite... j'ai oublié que la lâcheté et le retournement de veste étaient les deux seules mamelles de l'extrême-gauche depuis plus de vingt ans.
A chaque élection, les faux révolutionnaires suivent toujours le même rituel, comme s'il était écrit quelque part que les militants doivent toujours être floués, déçus, ou rayés des livres d'histoire : on commence toujours par taper sur la table avec son petit poing, puis quand les choses se gâtent on la boucle et on rentre dans le rang sans faire d'histoires, en baissant la tête même. La révolution va si vite, aujourd'hui, qu'elle est toujours terminée avant d'avoir commencé.
Preuve que le calcul de Hollande et de quelques autres était finalement le bon : Hollande continue d'ignorer superbement l'extrême-gauche et tous ceux qui la représentent, essayant d'imposer l'idée que Ségolène n'aurait besoin de personne pour s'imposer au premier tour (même si tout le monde sait que c'est faux, Hollande le premier), mais contre toute attente, plus Ségo, qui ne comprend rien, marche sur l'extrême-gauche, plus l'extrême-gauche en redemande !!!
Finalement, dans tous les compartiments elle est assez pathétique cette élection. Quand on pense au projet de Bayrou de jeter le clivage droite-gauche aux oubliettes, on se dit qu'il y a encore du boulot !