Pourquoi je pense que Le Pen ne sera pas au second tour
Extrait d'un commentaire que je viens d'ajouter au sujet "Les révoltés du dimanche rentrent dans le rang".
http://poliblog.canalblog.com/archives/2007/04/14/4625179.html
Moi je ne joue pas à me faire peur, cette année je ne prévois pas de "surprise" Le Pen.
Je pense que dans la réalité, Sarkozy a déja réussi l'exploit de pomper suffisamment de voies à l'extrême-droite pour renvoyer le papi du FN aux oubliettes, au point qu'il ne serait pas abusif de dire que Nicolas Sarkozy est devenu LE candidat de l'extrême-droite en France, c'est-à-dire, pour parler plus clairement, "celui qui fait le plus de volume" en ajoutant les voies d'extrême-droite à celles déjà acquises (c'était d'ailleurs le but recherché).
Sarkozy "l'immigré" (Le Pen n'a pas évoqué le sujet par hasard !) ne sera, bien sûr, jamais le candidat idéal pour un socle de militants ou de vrais sympathisants FN qui sont fondamentalement xénophobes et qui ne s'intéressent que modérément à d'autres questions.
Par contre, Sarkozy, l'énervé en costard qui veut passer la racaille au Kärcher dans des banlieues qui sont devenues des repaires de criminels immigrés (c'est le message envoyé) s'est transformé en candidat tout à fait acceptable pour une majorité de Français "susceptibles" de voter FN (donc plus modérés), parce qu'ils estiment souffrir d'une manière ou d'une autre des dérives de l'immigration, d'une certaine forme d'insécurité ou d'injustices qui en découlent (racisme anti-blancs, voire anti-Français, aides aux clandestins, etc.), et d'une relative disparition de l'identité française (expression qui selon moi convient bien à la situation), sans parler des problèmes économiques qui peuvent toujours être imputés aux clandestins ou au trop grand nombre de régularisations (ou de naturalisations), sans parler encore de l'islamisme...
A-propos de l'Islam, paradoxalement, Sarkozy a fait beaucoup pour lui donner une vraie place en France, mais quand il a eu besoin de s'en débarrasser pour séduire les "sympathisants modérés d'extrême-droite", il l'a fait sans aucun état d'âme... en se gardant toujours de prendre position sur le sujet : Sarko savait déjà qu'il n'avait pas besoin d'associer les banlieues à l'islamisme, chaque jour les journalistes le font pour lui !
Donc... Partout où il pouvait tailler à la serpe dans l'électorat de Le Pen, Sarkozy l'a fait, sans vergogne et avec une étonnante complicité de la part des médias qui ne se sont émus de rien, provoquant même une situation complètement grotesque dans laquelle Ségolène a du brandir le drapeau français et parler de la Marseillaise, la maîtrise de l'hymne national étant même rendue obligatoire !... J'hallucine !!!
Le Pen a été dépassé par les événements. Sur la durée, il est tombé dans le même piège que l'extrême-gauche : il a cherché à étoffer son programme (ou plutôt son absence de programme) alors qu'il n'en avait pas besoin, oubliant un peu trop rapidement que globalement, c'est "la haine de l'étranger" (ou pas loin) sous toutes ses formes qui lui a permis d'atteindre le score qui l'a amené au second tour en 2002 (de la même manière que l'extrême-gauche a oublié que son vrai fonds de commerce était la défense des "petits", et non pas la défense des clandestins et des homos ou la promotion du cannabis et des éoliennes...).
Schématiquement, on peut dire que Sarkozy est arrivé (plutôt bien, même) à faire du Le Pen alors que Le Pen, ébloui par son score inespéré de 2002, a vainement et connement essayé de faire du Sarkozy (il était beaucoup plus facile pour Sarkozy de faire du Le Pen que l'inverse).
Résultat, Le Pen ne sera pas lâché par son socle (ni l'extrême-gauche par ses vrais militants), mais il risque d'être lâché jusqu'au dernier moment par tous ceux qui trouvent déjà une alternative potable dans un Sarkozy qui, c'est son principal avantage, a beaucoup plus de chances d'être élu au second tour que Le Pen (de même que l'extrême-gauche, dans son ensemble, peut redouter jusque dans l'isoloir d'être lâchée par un certain nombre d'indécis au profit de Ségo ou de Bayrou, qui sans être des candidats anti-système sont à leur manière devenus des candidats contestataires !). J'hallucine (bis) !!!
Qui aurait pu prévoir un pareil scénario ? Certainement pas les journalistes ni les analystes qui ne s'émeuvent toujours pas du discours aux forts relents d'extrême-droite de Nicolas Sarkozy.
Stratégiquement, on peut dire que Le Pen a manqué de finesse. Tout en gardant un discours ferme sur l'immigration et sur la préférence nationale, il est trop sorti de la ligne qui l'avait conduit au succès. C'était risqué face à un Sarkozy qui a déja démontré dans le passé qu'il n'avait pas son pareil pour manipuler les foules et qui, c'est la seule chose que Le Pen ne pouvait pas prévoir, a pu se lancer à fond dans un discours "anti-voyous" grâce aux événements providentiels de la Gare du Nord : Sarkozy s'est bien gardé de dire que les voyous dont il voulait parler étaient toujours des clandestins ou des jeunes issus de l'immigration, pourtant c'est exactement le message qu'il a réussi à faire passer en agitant vigoureusement le spectre de l'Africain sans foi ni loi immédiatement après les émeutes de la Gare du Nord ! Du vrai travail de dentelière ! Le Pen est loin d'être con, mais à 78 balais on comprend tout moins vite, et même la petite Marine qui est une bonne analyste n'a rien senti venir, de même que beaucoup d'autres (moi le premier).
Au moment des émeutes, il est probable que personne ne l'a compris, mais le FN aurait "du" prendre un virage pour revenir d'urgence sur une ligne d'extrême-droite pure et dure. Le parti n'aurait, en tout cas, pas du persévérer dans son objectif de devenir plus fréquentable. En modifiant à-peine son discours, Le Pen aurait pu, à ce moment-là, s'en prendre aux politiques de l'establishment en utilisant des mots comme "politiques-voyous" par exemple, avec la même violence qu'il déployait dans le passé pour s'en prendre aux "étrangers". Le second tour, alors, aurait pu être assuré... mais toujours face à Sarko.
Le bilan que je retire de tout ça, c'est que JMLP est en train d'être broyé par un système qu'il n'avait aucun besoin de chercher à intégrer. Ca peut arriver, parfois, quand on met le doigt dans un engrenage. Pour toutes ces raisons, je pense qu'il est de plus en plus improbable de voir Jean-Marie Le Pen arriver au second tour, quant à son successeur il aura tout autant de mal à revenir en arrière.
Un bon exemple (de circonstance) d'un numéro de cabotinage très réussi de la part de Sarkozy : le candidat arrive souvent à persuader ceux qu'il prend vraiment pour des cons (et qu'il méprise) qu'ils sont extrêmement intelligents. Et il leur fait gober absolument ce qu'il veut !
http://www.metrofrance.com/fr/article/2007/04/10/09/2813-37/index.xml