Le Pen refuse de soutenir Sarkozy

A l'occasion du traditionnel défilé du 1er mai du Front National, Jean-Marie Le Pen n'a pas donné de consigne de vote (comme je le pensais hier), ou plutôt il a appelé les électeurs du FN à "s’abstenir massivement, se réservant pour le premier tour des élections législatives les 10 et 17 juin prochain".

"Ségo, Sarko, même pipeau", scandaient les manifestants (Libération).

Pour des raisons que j'ignore, les journalistes et les pronostiqueurs se montrent moins loquaces que jamais sur cette décision du patron du Front National. Beaucoup semblent penser que les électeurs qui ont voté pour Jean-Marie Le Pen respecteront la consigne d'abstention donnée par ce dernier le 6 mai.

A ce sujet, je pense que les analystes et les journalistes prêtent à Jean-Marie Le Pen une influence qu'il n'a pas. Le report massif de voix présumées FN (sondages d'intentions de vote) sur la candidature de Nicolas Sarkozy dès le premier tour montre que l'électorat de Jean-Marie Le Pen n'est pas moins volatile que les autres, avec un socle assez réduit de ceux que j'ai déjà appelés des "xénophobes" bas de plafond dans d'autres sujets, et une deuxième couche un peu plus épaisse de contestataires épris d'ordre, de sécurité et favorables à la coupure immédiate des "vannes de l'immigration" prônée par le FN. Je vois les autres électeurs du FN, qui sont peut-être les plus nombreux, comme des contestataires plus modérés ou comme des votants dont l'intention était à nouveau de déclencher un "vrai" sursaut dans la classe politique, comme en 2002.

Avec le recul, on peut dire que paradoxalement, c'est sans doute le premier tour de 2002 et le score de Jean-Marie Le Pen au second tour, toujours important pour le patron du Front mais loin d'être suffisant (17,79%), qui ont précipité la chute de JMLP en 2007 : on savait depuis longtemps déjà que Le Pen ne pourrait jamais être président, et qu'il se ferait balayer au second tour s'il arrivait à s'y hisser.

Nicolas Sarkozy a eu d'autant moins de mal, comme le dit Marine Le Pen, à vampiriser l'électorat du Front National dès le premier tour, et il est probable que pour le second, consigne d'abstention ou pas, une large majorité d'électeurs FN qui avaient quand même voté pour Jean-Marie se reporteront sur Nicolas Sarkozy. Les chances sont même de plus en plus élevées dans un contexte où Ségolène Royal paraît de moins en moins crédible, sans doute, aux yeux de beaucoup des électeurs concernés, avec aujourd'hui l'organisation d'un "concert-meeting" au stade Charléty qui réunira les people les plus "post-soixante-huitards" de l'hexagone...

Le Pen, ou comment se faire déposséder de son électorat en une leçon, donnée ici par Nicolas Sarkozy.

Pour le FN, l'avenir ne s'annonce pas particulièrement radieux avec, au programme, des législatives à l'occasion desquelles le parti souffrira de son score nettement inférieur aux prévisions au premier tour de l'élection présidentielle.

Après les législatives sans doute, l'objectif pour le parti sera de trouver un successeur à Jean-Marie pour prendre les commandes du parti. Le choix opposera surtout Bruno Gollnisch et Marine Le Pen, Bruno Mégret n'étant devenu qu'un "accident" dans l'histoire du Front National.

"Abstenez-vous", le dernier coup d'esbroufe de JMLP, un coup d'épée dans l'eau probablement.

http://www.liberation.fr/actualite/politiques/elections2007/250988.FR.php

Comments

[Poliblog]

Ce sont les socialistes au pouvoir qui ont permis au FN de devenir ce qu'il est, à savoir encore la quatrième force politique de France, derrière l'UDF qui ne se maintiendra pas forcément en troisième position. C'est mal barré mais le FN pourrait très bien cartonner aux législatives.

[Gilbert Sorbier]

On peut toujours rêver, mais on sait que le noyaux dur du FN (Golnish) est très antisémite, anti-bush, soit l'inverse de Sarkozy.
A l'inverse de Besancenot, le "fond de commerce du FN" prospère beaucoup mieux pendant un règne apparemment pro immigration et soixante-huitard !

[aiolive]

Une autre hypothèse : que Sarko ait déjà ratissé la quasi-totalité des volatiles du FN, et que ceux qui n'ont pas voté pour lui soit des "anti-systèmes" qui eux savent que Sarko est d'abord le candidat du système sortant ("Sarko-Ségo, même pipo").

C'est une bonne nouvelle pour Royal car si elle veut avoir une chance de gagner il faut non seulement qu'elle récupère les 2/3 des votes Bayrou, mais qu'en plus la moitié des votes Le Pen s'abstiennent.