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Poliblog indépendant
1 juin 2007

Pourquoi je pense ce que je pense de Nicolas Sarkozy

Nicolas_Sarkozy_2Ah, ami lecteur, souvent c'est une torture d'écrire pour moi. Il faut que je réfrène mes pulsions. Je ne sais pas pourquoi, écrire j'ai toujours aimé ça ! Tellement aimé ça que par "besoin", quand j'étais plus jeune, j'ai été pigiste pour des canards de micro-informatique. Au début on me confiait les news, des communiqués de presse de 17 pages avec photos et schémas techniques sur un nouveau procédé de reconnaissance optique de caractères révolutionnaire à résumer en... trois lignes. C'était chiant au début mais après ça m'a plu. Beaucoup. Je pense que c'est en faisant ce boulot de con que j'ai le plus appris, en tout cas pour écrire, mais Dieu que c'était dur ! Il fallait déployer des trésors d'ingéniosité pour, à chaque fois, trouver "la" vingtaine de mots qui résumaient tout en quelques lignes, le tout devant rester accessible pour un lecteur qui parfois n'arrive même pas à trouver le bouton pour allumer son PC...

J'ai beaucoup appris de ces "conneries". Ca m'a donné le goût de trouver le mot juste (comme Ségo), de ne pas en faire trop, d'essayer d'intéresser toujours mon lecteur en écrivant des choses fluides, agréables à lire, même quand on parle de sujets aussi gonflants que la reconnaissance optique de caractères.

Parfois je suis content de ce que j'écris, souvent non. Je crois que globalement, l'expérience des news où je ne pouvais jamais écrire ce que je voulais m'a rendu encore plus "intoxiqué". Aujourd'hui je peux me lâcher, prendre, quelque part, une revanche sur ces mois de petit boulot que je faisais en plus de mes études, quand tous les autres rédacteurs me regardaient de haut, car dans la presse magazine, faire les news c'est un peu comme faire les chiottes... Aujourd'hui c'est fini, je peux écrire des textes de trois kilomètres si ça me chante ! D'ailleurs quand j'écris, je ne vois pas le temps passer. J'oublie mes emmerdes. Parfois même, j'oublie Sarko, j'oublie Ségo, ou alors je me dis que je leur souhaite de connaître le même bonheur que celui que j'éprouve quand j'écris. Dingue, non ?

Bref, souvent quand j'écris je n'arrive pas à m'arrêter. Je n'y arrive plus. Alors que dans le passé mon boulot consistait à "écraser" des infos que l'on me donnait tout en essayant de les rendre compréhensibles, aujourd'hui j'ai du mal à m'empêcher de faire l'inverse. Même quand je n'ai pas grand-chose à dire, j'ai besoin de trois pages pour l'expliquer. Comme ce soir où je suis en pleine crise... :) Peut-être le besoin de compenser ?

Donc... j'étais en train d'écrire une réponse à un commentaire de Gillou dans le sujet "Le PS doit-il disparaître ?", quand je me suis aperçu que j'étais en train de lui raconter ma vie, enfin d'écrire une tartine si énorme que ça en devenait vraiment ridicule. Les questions de départ étaient plus ou moins "Sarkozy est-il con ou intelligent ?" et "les fonctionnaires sont-ils des larves improductives ou des boucs-émissaires considérés à tort comme des fainéants qu'ils ne sont pas ?"... Vastes sujets !

Comme ma réponse à Gillou commençait à devenir trop longue pour un simple commentaire, j'ai décidé d'en faire un sujet à part entière. C'est celui que vous êtes en train de lire, pour ceux qui commenceraient à ronfler...

C'est un peu mon opinion sur Sarkozy, sur les fonctionnaires (les "foncs" pour les initiés), sur des détails d'une expérience professionnelle qui me font dire qu'ils ne sont pas "tous mauvais", sur quelques-unes des raisons, aussi, pour lesquelles j'ai l'impression que Nicolas Sarkozy ne connaît vraiment pas grand-chose au monde de l'entreprise, car tout ce que je dis ici je l'ai vécu dans la plupart des boîtes dans lesquelles j'ai travaillé. Fonctionnaires ou pas.

Ca en étonnera peut-être certains, d'autres me diront qu'ils n'ont rien appris dans ce texte, ce n'est pas grave. L'objectif n'est pas de vider mon sac ou de faire une démonstration. C'est juste un cas concret, et c'est la première fois que je développe un peu tout ça par écrit alors autant en faire profiter tout le monde. Et si vous être Cadre (même dirigeant) chez France Telecom, ne me demandez pas de quel site je parle ici, car si les Cadres de FT, parmi d'autres, faisaient mieux leur boulot, on n'en serait certainement pas là. A ce point de désoeuvrement généralisé, de flemmardise contagieuse, de fuite en courant devant le boulot... 10 14, 10 16, ou d'autres activités dont je parle ici, c'est partout la même chose, alors pas besoin de trop s'interroger sur les raisons pour lesquelles France Telecom va (encore) devoir se débarrasser de 22.000 salariés en trois ans. Il n'y a qu'à lever le cul de son siège en cuir de temps en temps, aller sur le terrain, rencontrer les gens et observer la manière dont ils bossent ou dont ils ne savent pas bosser pour beaucoup... Le reste, c'est la différence entre le "travailler plus" de Sarkozy et le "travailler mieux" qui est ma religion, et que je défendrai jusqu'à la mort.

Ma réponse à Gillou

A-propos des fonctionnaires, je me refuse à mettre tout le monde dans le même sac. Il m'est arrivé de bosser avec des fonctionnaires très intelligents qui étaient des bourreaux de travail, des gens qui ont l'esprit d'équipe dans le sang, qui sont respectueux de valeurs qu'ils placent largement au-delà de leur intérêt personnel, respectueux aussi des autres (le plus important sans doute) et aussi de principes de base qui font que les choses "tournent" ou pas dans le boulot. Pas la majorité évidemment... Mais je ne désespère pas face à ce constat, car mes expériences persos me font dire que les équipes, quels que soient leur taille, leur composition, leur rôle, sont toujours à l'image de leur(s) chef(s). J'en ai fait l'expérience et même la démonstration dans un centre d'appels (France Telecom), parmi d'autres expériences, où les objectifs quanti fixés par la direction n'avaient jamais été atteints en quatre ans (depuis la création du centre en réalité).

La direction du groupe n'était pas au courant car aucun contrôle n'avait jamais été réalisé sur le sujet... Objectifs jamais atteints en quatre ans, donc, et une semaine après mon arrivée ils étaient tous atteints ! Et vous savez pourquoi ? Parce que dans ce centre, tout le monde en était arrivé à un tel degré de je m'en foutisme et de démotivation (à commencer par les Cadres) qu'en voyant débouler un type comme moi, qui regardait les statistiques de productivité, qui vérifiait les horaires, qui faisait des double-écoutes du matin au soir, qui ne craignait pas de passer pour un con aux yeux de certains en demandant régulièrement qu'on lui explique des trucs... les gens se sont mis à flipper comme des fous, et même à se raconter des histoires sur le "vrai" rôle que selon eux j'étais venu jouer dans ce centre. Ca jasait. Les gouttes perlaient presque sur le front de celles et de ceux qui étaient bien placés pour savoir qu'ils ne foutaient rien, et qui ont eu une peur bleue de se faire virer quand ils m'ont vu arriver et que tous se sont demandés : "mais c'est qui ce mec en costard qui regarde absolument tout ?".

J'essayais simplement de comprendre comment les choses marchaient (!), mais en quelques jours, beaucoup sont arrivés à se persuader que j'étais une sorte de taupe envoyée par la direction du groupe dans le but de dégraisser la machine, de tailler à coups de hache dans l'effectif (complètement paranos...). La faute au costard peut-être. Ou la faute à cette impression que je donne souvent de "mec qui n'est pas venu pour rigoler". Dégraisser le truc, virer les branleurs... Le délire complet, car je n'étais pas venu là pour ça (du tout), en tout cas au début. Ensuite on m'a un peu demandé qui il fallait virer et qui il fallait garder, question que j'ai résolue en disant que c'étaient surtout les Cadres qu'il fallait virer... Mais ça c'était à la fin.

Là, pour l'instant, ça se passait bien en apparence, bien que mon arrivée ait été ressentie comme un événement un peu violent par certains (nan mais t'as vu le mec ? Il bosse ! Il est dingue ou quoi ?). C'est ensuite que ça s'est gâté, sans que je m'en rende vraiment compte. J'étais là pour faire un boulot alors je le faisais. Comme je bossais beaucoup plus que les Cadres en place et que ça se voyait (forcément, on ne peut pas se planquer du matin au soir dans un open space de cinquante personnes), lesdits Cadres ont été obligés de se mettre au boulot, de façon même spectaculaire pour certains qui commençaient eux aussi à se demander si j'étais bien le mec que je prétendais être, ou si je n'étais pas plutôt une sorte d'auditeur-mystère qui arrive à l'improviste sur un site, qui regarde comment le truc fonctionne, qui dresse une liste des gens à virer et qui se barre aussi sec avec un gros chèque dans la poche intérieure de sa veste.

Incroyable, ce que les gens peuvent arriver à se mettre dans le crâne en regardant simplement quelqu'un qui vient d'arriver ! A ce moment-là, j'ai découvert que la peur, surtout quand elle est mal définie (vais-je me faire virer ? muter ? convoquer ? déclasser ? etc.), peut être un moteur formidable pour des gens qui n'ont pas envie de bosser. Je n'ai jamais profité de la situation mais je n'ai jamais cherché, non plus, à détromper ceux qui, de toute évidence, ne me croyaient toujours pas quand je leur disais que j'avais été affecté à ce centre pour y réaliser une mission tout ce qu'il y a de plus ordinaire. J'avais autre chose à faire, un vrai boulot à réaliser, du coup j'ai pu commencer ma véritable mission qui était la remotivation de l'effectif (et non pas un dégraissage), la remotivation des Cadres aussi via une sorte d'aspiration vers le haut, c'est-à-dire vers... les objectifs quanti du début.

Surveillance constante des statistiques de productivité en temps réel, surveillance des "baromètres" (les panneaux lumineux qui indiquent le nombre d'appels en cours, en attente, etc.), double-écoutes surprises avec débriefings individuels, évaluations des uns et des autres sur le fond et sur la forme... Beaucoup de boulot à faire, ça me plaisait bien. J'en ressortais le soir avec la tête un peu comme une citrouille mais au moins je ne pensais plus au boulot, car à chaque fin de journée je me disais que j'en avais largement fait ma part. En plus c'était pas trop mal payé pour une fois, bien qu'on m'ait demandé de former plus ou moins les Cadres au management alors que j'avais un statut d'A.M. ...

Mais attention, hein, pas le nirvana non plus ! Dans cette expérience, j'ai quand même eu pas mal de soucis, je pourrais même dire de "problèmes" avec des gens qui, n'ayant pas vraiment bossé depuis des années (quatre au moins pour ceux qui étaient là depuis le début), rechignaient tous à se mettre ou à se "re"mettre au boulot, en particulier les syndicalistes qui m'ont bien pété les rouleaux à certains moments, mais malgré toutes les embûches, j'ai réussi à m'intégrer et aussi à imposer sans trop de violence des notions qui avaient disparu comme le goût du travail bien fait, les objectifs qu'il faut atteindre, les résultats qu'il faut produire... Au bout du compte, il y allait quand même du maintien du site (qui était remis en question), France Telecom envisageant à l'époque d'externaliser un maximum de centres d'appels pour des raisons de coût : un "dégraissage" d'envergure était bien prévu, mais pas à ce moment-là et je n'avais vraiment rien à voir là-dedans.

Bref, j'ai réussi à remotiver tout le monde en traîtant le cas de chacun presque individuellement. Un travail de romain mais j'aime bien ce genre de boulots. Et pendant la durée de mon passage sur ce site, tous les scores ont été pul-vé-ri-sés. Décrochés à la première sonnerie, nombre d'appels servis, durée moyenne des appels, niveau de satisfaction des appelants, qualité des réponses apportées sur la forme et sur le fond... Du jamais vu depuis l'ouverture du centre, avec des résultats qui dépassaient des objectifs quanti pourtant très élevés, avec même quelques réussites imprévues dont je ne suis pas peu fier comme des gens qui refusaient catégoriquement de bosser et qui se sont remis à trouver de vraies satisfactions dans leur boulot, qui en redemandaient même !

Climat tendu avec les autres Cadres par contre, certains contestant ouvertement mes "méthodes" qu'ils jugeaient trop dures, trop rigoureuses, ne laissant "pas assez de place à l'humain" ou d'autres conneries du même genre alors que dans leur esprit, le rôle d'un Cadre dans un centre d'appels était de se promener entre les tables en toisant les esclaves qui travaillent pour lui et en roulant du cul comme Louis XIV ! C'est peut-être pour ça que j'avais autant de succès avec des gens qui, d'ordinaire, bossaient pour eux : simplement, je ne les traîtais jamais comme des merdes. Plus certains Cadres me haïssaient, plus ceux qui bossaient pour eux ou pour d'autres me trouvaient sympa, ouvert, réglo (ce qui les faisait me haïr encore plus). "Réglo", une chose qu'ils n'avaient pas vu depuis bien longtemps disaient-ils.

Ca roulait avec quelques accrocs, l'essentiel étant que les gens s'étaient remis à aimer leur boulot, qu'ils obtenaient d'excellents résultats, et que tout le monde était finalement très content de venir au boulot en-dehors de deux ou trois parasites (des Cadres) qui, de leur côté, devaient rêver tous les soirs que le lendemain matin j'allais me faire aplatir sur l'autoroute entre deux poids lourds en venant au boulot... Connerie ? Jalousie ? Inquiétude à-propos du décalage en termes de performances qui commençait à leur poser problème ? Ce qu'ils ignoraient, c'est que c'était précisément le but recherché par la responsable du site, donc par moi qui bossait sous les ordres de Madame. Ce n'était pas la moitié d'une conne et avec elle au moins, je pouvais parler sans fioritures, très librement de ce genre de problèmes épineux, des mécanismes qu'il convient de mettre en place pour "remettre rapidement au boulot des Cadres qui n'ont aucune envie de bosser"...

Je crois qu'un ou deux (Cadres) m'en voulaient vraiment. Ils m'auraient bien poignardé en lousdé, je ne sais pas trop, de toutes façons je m'en foutais un peu. S'ils avaient fait leur boulot on n'en serait jamais arrivés là, ni eux ni moi.

Impitoyable monde du "redressement". Surtout pour ceux qui se sentent visés. Globalement, je leur foutais la trouille. Les plus courageux ou les plus lâches, c'est selon (une en particulier), opéraient des tentatives de rapprochement. Plusieurs essayaient de me tirer les vers du nez sur mon parcours professionnel, sur mes expériences précédentes... Ils me trouvaient trop jeune pour faire ce boulot, ils avaient du mal à croire que je puisse connaître autant de choses sur autant de trucs, s'étonnaient de la facilité apparente avec laquelle je "manageais", "drivais" les autres comme si c'était une chose naturelle pour moi (alors que non), trouvaient même suspecte la rapidité avec laquelle j'avais fait le tour de l'usine à gaz qui leur permettait de suivre toute l'activité du centre d'appels en temps réel sur PC... Ils trouvaient suspecte, aussi, ma bonne connaissance du groupe (France Telecom), en particulier d'une certaine direction qui pour des raisons qui m'échappe faisait flipper tout le monde. Peut-être parce que l'activité du centre touchait surtout au pognon, aux avantages, etc.

Il y a eu des petites opérations de séduction, certains m'ont fait comprendre que je les mettais dans une position difficile en obtenant de trop bons résultats, qu'il fallait peut-être lâcher du lest, revenir à une époque pas si lointaine où tout était beaucoup plus tranquille pour eux : le matin café, après un petit somme, après j'envoie un fax pour l'assurance de ma bagnole, après hop, une petite sieste, après je vais déjeuner... La conception de la fonction publique pour certains, quoi. J'ai du leur faire comprendre que je n'étais pas "fonc", que de mon côté j'étais là pour booster le bordel, que s'ils collaboraient tout se ferait sans violence pour personne et qu'à mon avis, le plus intelligent pour eux était peut-être de profiter de l'occase pour retrouver le goût de s'investir dans un boulot qui les emmerdait parce qu'ils ne le faisaient plus...

Tentative réussie ou presque, j'ai réussi à en "débaucher" une, qui s'est dit que quitte à venir au boulot tous les jours, c'était con d'y aller uniquement pour s'emmerder pendant sept ou huit heures...

Ensuite, tout a roulé gentiment jusqu'à la fin. Tous les téléconseillers qui me prenaient pour "le" boss et qui aimaient bosser avec moi, le Cadre vacillant qui s'était remis à bosser pas trop mal et qui y trouvait même des satisfactions inespérées, mais à-côté de ça deux boulets irrécupérables avec lesquels on ne pouvait, je pense, arriver à rien. Jamais. Un dernier boulet qui trainait dans un coin mais qui ne comptait pas, puisqu'occupant un poste de niveau supérieur. Il n'était jamais à son poste, en Cadre France Telecom de haut niveau "standard" qui pisse à la raie de tout le monde, et qui pense ne devoir rendre compte de son emploi du temps à personne, pas même au Pape...

Fin de la mission de redressement, réussie au-delà de tous les objectifs prévus quand le jour de mon départ (pour cause de fin de contrat), les Cadres en place, ceux du début qui s'étaient pignolé pendant les quatre années précédentes, me font comprendre que dès la seconde où je serai parti, il vont s'ingénier à démolir tout ce que j'ai accompli ou entrepris. Il ne leur faudra pas plus de quelques jours pour foutre en l'air tout ce que j'ai bâti, pour ne plus remplir les supports que j'avais créés, pour ne plus jamais surveiller les stats parce que ça les emmerde, pour ne plus faire de double-écoutes parce qu'on ne peut pas se promener dans le bâtiment ou appeler son mec pendant ce temps-là, etc.

Quelques jours seulement pour que chacun reprenne ses petites habitudes, pépères, afin que les résultats se remettent à tomber gentiment, jusqu'au point où la direction du groupe se résoudra à classer le site dans la catégorie des sites "auxquels on ne peut pas en demander plus". On me fait comprendre que tout se déroulera comme si je n'avais jamais existé, quant aux téléconseillers, ils feront un peu ce qu'ils veulent, comme avant, et la conne qui me dit ça s'imagine que cela apaisera le climat alors que c'est précisément ce qui l'avait détruit longtemps avant mon arrivée...

On ne peut pas parler de motivation, d'investissement personnel, d'objectifs et encore moins de résultats avec des gens qui ignorent simplement ce qu'est le boulot, même (surtout ?) quand ils sont depuis vingt ans dans la même boîte.

C'est pour ça, Gillou, que je raconte une aussi longue histoire, car la morale ici, c'est que sur une équipe de quarante personnes environ dont une majorité de fonctionnaires, il n'y avait que trois ou quatre têtes à couper, mais qu'il fallait absolument les couper. Toujours des têtes de Cadres. Je n'y peux rien, c'est toujours comme ça. Tous les autres collaborateurs (fonctionnaires, salariés sous contrat de droit privé, intérimaires) étaient des gens qui "avaient" envie de bosser et qui en avaient les capacités, mais que l'on avait dégoûtés de leur boulot, tout simplement en les laissant livrés à eux-mêmes, sans patron, sans ligne directrice, sans créer un quelconque état d'esprit en rapport avec des notions comme le service clients, l'investissement personnel, la satisfaction que l'on peut tirer d'un travail que l'on a bien fait...

Le rendement n'en souffrait pas, il n'existait plus ! Mais les Cadres n'en avaient rien à péter, ils n'étaient soumis à aucun contrôle et n'étaient pas rémunérés en fonction de leurs résultats. On leur payait même des formations en management extrêmement onéreuses, avec déplacements à l'autre bout de la France, prise en charge de tous les frais, etc. Ca faisait quatre ans que le même cirque durait...

Dans l'histoire dont je parle, il s'agissait de Cadres ayant un statut de fonctionnaire, mais j'ai rencontré exactement le même genre de "schémas" et le même genre de personnages dans de nombreuses boîtes privées, même dans des boîtes d'audit et de conseil qui sont, paradoxalement, peut-être les boîtes où l'on trouve la plus forte densité de tarés et de bons à rien qui parfois se retrouvent à faire de l'audit parce qu'ils ont échoué dans tous les métiers "normaux" (vu plusieurs fois).

Tout ça pour dire, Gillou, que vraiment, vraiment, il ne faut pas mettre tous les "foncs" dans le même panier. Il y en a de très bons, et même des pointures si vous voulez mon avis. A mon humble avis aussi, la plupart de ceux qui n'entrent pas dans cette catégorie sont simplement mal encadrés, mal dirigés, ou livrés à eux-mêmes sans véritables objectifs, sans méthodes, voire gênés dans leurs activités quotidiennes par un tas de contraintes complètement connes qui nuisent à la productivité et qui sapent en même temps la motivation des fontionnaires les plus courageux, de ceux qui s'investissent le plus : globalement, dans le public comme dans le privé, je pense qu'il y a beaucoup moins de têtes à couper qu'on est tenté de le penser au prime abord.

Un peu comme dans l'affaire Airbus... Ma théorie, ma vision personnelle du truc, c'est que quand il faut vraiment faire le ménage dans une boîte, quand il faut couper des têtes, il faut toujours commencer par regarder au sommet. Le plus souvent, c'est là que tout commence et que tout finit. C'est pourquoi, moralement mais aussi "culturellement", j'ai du mal à comprendre qu'on n'ait pas encore scotché Forgeard et Lagardère sur une palette avec un pistolet à clous. Il n'y a rien d'autre à faire avec ce genre de gusses, de larves malfaisantes, on ne peut jamais rien en sortir et il est illusoire d'espérer que l'on pourra un jour en sortir quelque chose.

Ce n'est pas le cas des fonctionnaires, du moins dans mon esprit. Quand vous écrivez par exemple "On en crêve de ces corps administratifs avec qui on ne peut rien faire", je ne peux pas être d'accord : les foncs ne sont pas plus flemmards, pas moins inventifs, pas plus réticents à s'engager que les autres. Ils sont exactement comme tout le monde, ils ont besoin d'une "ligne", besoin d'un minimum de considération et de respect (sans lesquels on n'obtient rien de personne), et ils ont surtout besoin de "chefs" qui tiennent la route. Ceux qui aiment se gargariser d'anglicismes à la con parleront de "managers", c'est exactement la même chose : le chef n'est pas "au-delà" de ses troupes, il est "avec" ses troupes, et un chef qui n'a pas compris cela ne mérite aucunement cette appellation.

A-propos des experts, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous non plus. Cet après-midi sur BFM par exemple, j'ai justement entendu des experts parler de la détaxation des heures supplémentaires et du contrat de travail unique notamment, et l'impression qu'ils m'ont faite est de savoir de quoi ils parlent et de ne pas marcher à-côté de leurs pompes. Beaucoup moins en tout cas que Nicolas Sarkozy.

Parfois, moi aussi je me dis que Sarkozy est un type intelligent, mais j'arrive tout aussi souvent à me demander s'il n'est pas complètement con : soit il connaît mal beaucoup de sujets dont il parle (ce qui est une évidence pour moi, particulièrement en matière d'emploi), soit il est mal entouré et mal conseillé (c'est de notoriété publique avec des gens comme Borloo), soit il vit sur une autre planète dans laquelle il prend "ses" raisonnements ou ceux qui lui ont été inspirés par d'autres pour la réalité (ce qui me paraît aussi être le cas).

Pas tendre, mais ce ne sont que des appréciations subjectives. Dans la vie, j'ai rencontré pas mal de gens qui se comportaient grosso modo comme Nicolas Sarkozy, qui avaient toujours la certitude ou l'intuition que "leur" vision d'un problème était la bonne, même quand tout démontrait qu'ils étaient complètement à-côté de la plaque.

En particulier dans le métier du marketing, en matière de choix stratégiques, de positionnement produit par exemple, ou encore de connaissance des clients, etc. Dans ce type de contextes, mon boulot était souvent de faire des prestations d'audit ou/et de conseil, de vérifier si vous préférez des choses comme l'adéquation entre un objectif que l'on poursuit (une cible de clients visés par exemple) et la réalité (la composition effective de la clientèle). A chaque fois Gillou, je répète "à chaque fois", les décalages étaient ENORMES entre ce que les patrons de PME ou responsables de ceci ou de celà pensaient et ce qui ressortait réellement des études, quelles qu'elles soient. Si énormes que parfois la notion de mesure des écarts devenait elle-même totalement ridicule.

Plus d'une fois il a fallu tout refaire, tout réorganiser, lancer de vraies études de marché, mettre en place des tableaux de bord pour l'analyse et la prévision des ventes, virer (souvent) des agences ou des prestataires de conseil en marketing (et pas les moins connus) qui ne faisaient pas le dixième d'un travail sérieux, qui sortaient des chiffres de leur chapeau quand ils ne les avaient pas recopiés dans les Echos ou dans un torche-cul vendu par une association professionnelle à deux balles, qui étaient incapables de parler de leurs méthodes d'enquête parce qu'à chaque fois que l'on creusait... il n'y avait rien derrière. Par contre, les mêmes prestataires n'oubliaient jamais d'envoyer leur facture à la compta. Grosse facture en général.

Deuxième et longue digression pour dire que pour moi, il y a d'un côté ceux qui "pensent réfléchir" mais qui, quand on fait le bilan, envisagent tout d'une manière purement intuitive dans le meilleur des cas, sans jamais tenir compte des réalités ni même chercher à se renseigner, et de l'autre des gens qui étudient, qui sont disposés à apprendre de nouvelles choses, qui réfléchissent vraiment mais sans pour autant se masturber indéfiniment le cerveau, des gens qui ne laissent pas ce qu'ils pensent interférer avec ce qu'ils trouvent ou avec ce qu'ils apprennent, qui raisonnent en termes d'objectifs que l'on "doit" atteindre et de résultats supplémentaires que l'on "peut" générer au lieu de tout subir comme les premiers, qui en sont souvent réduits à patauger dans des univers dont ils se disent experts mais qu'ils ne maîtrisent pas du tout.

J'en parle avec d'autant plus de détachement que j'ai rencontré le même genre "d'attitudes" qui brident l'efficacité dans absolument tous les métiers. Du gars qui pousse un fauteuil roulant dans un hôpital à celui qui monte des prises de courant sur un chantier, en passant par le chef d'entreprise pionnier de la micro-informatique en France qui a réussi à couler toutes ses boîtes (pourtant incoulables) simplement parce qu'il pensait, par exemple, que rien ne vaut un économiste pour faire des stats de marketing (exemple authentique)... La dernière fois que je l'ai vu, le génie français du business et de l'informatique qui selon certains allait bouffer Bill Gates comme un Nuts... il essayait de vendre des claviers électroniques (musique) dans un vague salon où je ne sais même plus ce que j'étais allé faire.

Tout cela me fait penser à Sarkozy : Nicolas Sarkozy me paraît faire partie de la première catégorie, celle des intuitifs (ou mégalos) dont il ne sort jamais rien, et le sentiment que j'ai est aussi qu'il fréquente vraiment trop peu de gens qui appartiennent à la seconde. A mon avis, c'est dommage pour lui et c'est dommage pour nous. Tout le monde y perd quelque chose, à commencer par Sarkozy.

Quant au "travailler plus", j'en ai parlé plus haut. L'exemple que je cite ici est celui d'un centre d'appels considéré comme étant névralgique dans l'activité du groupe France Telecom (si le PDG savait de quel centre je parle il ferait des bonds), mais j'ai rencontré les mêmes types de comportements et les mêmes types de personnages ailleurs, partout dans le groupe, également dans d'autres boîtes et dans pas mal de métiers (vente-terrain, marketing, organisation, management)... Quel que soit le métier, il y a des gens qui ont du potentiel et d'autres qui ont besoin qu'on le révèle, les moins nombreux (qui paradoxalement sont souvent les mieux placés) étant ceux qui n'en ont absolument aucun.

Je vois Sarkozy comme un petit gars qui a du potentiel mais qui se laisse parasiter par un tas de considérations qui n'intéressent que lui, ou alors uniquement un petit clan dont il fait partie et qui repose tout entier sur un ensemble de références et de théories complètement connes, qu'il serait bien facile de faire vaciller pour quelqu'un qui appellerait simplement un chat un chat, qui emmènerait Sarko sur le terrain pour lui montrer deux ou trois trucs de débutant.

Vue la situation actuelle, je ne crois pas Nicolas Sarkozy "capable" de s'affranchir seul de tout ce qui bride son efficacité. C'est un bonhomme qui a du potentiel mais j'en ai vu d'autres comme lui, au moins aussi costauds. Tous ceux qui n'ont pas compris, tous ceux qui n'ont pas su se libérer de leurs a priori... ont fini par chuter, et leurs amis de la veille ont toujours été les premiers à les piétiner.

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Commentaires
P
@Gilbert : le coup de la bite sortie pendant le repas, quand même... (trempée dans la soupe ?)<br /> <br /> @Marc : OK :)<br /> <br /> @Groucho : 100% d'accord, un bon manager est un manager qui fait réussir son équipe (donc apte à le faire) "et qui en a le souci". Mais j'ai déjà assez parlé de mes expériences pour cette fois je crois...<br /> <br /> C'est assez étonnant de se dire que dans ce blog, qu'on pourrait appeler un blog de chômeur de longue durée parmi d'autres, il y a au moins deux autres ex-chômeurs de longue durée qui postent alors que le sujet de départ est la politique. J'en viens à me demander si on ne fait pas de la politique uniquement par intérêt, et si la volonté d'en parler, pour les autres, ne dépend pas uniquement du trajet personnel de chacun. Ce qui est clair pour moi, c'est que nous sommes tous en attente de "quelque chose" de concret et pour ce qui me concerne, ce n'est pas du tout à l'horizon.
G
@Gilbert, Pascal, et autres curieux...<br /> <br /> AVERTISSEMENT PRELIMINAIRE: "Ce qui suit n'est que le fruit de mon expérience personnelle, mes réflexions propres, et ne sauraient en aucun cas être interprétées comme de pures vérités. Mes avis, sentiments et analyses ne doivent pas être pris au sérieux par toute personnes qui ne les partageraient pas."<br /> <br /> Ca, c'était pour plaisanter...<br /> <br /> Quand à vous raconter ma vie, en dehors du fait que je n'ai aucune prédisposition particulière au voyeurisme, nous sommes ici sur le blog de Pascal, et je ne me sens vraiment pas le droit d'y parler de moi.<br /> Par contre, mon expérience professionnelle étant relativement variée, il me serait extrêmement difficile de faire court. J'aurai bien essayé le grand banditisme, mais les pratiques usuelles du milieu sont trop éloignées de mon domaine de compétences, j'y ai donc renoncé très tôt. A oui, j'oubliais une période de chômage de 2 ans, durant laquelle j'ai également cru devenir fou, mis mon ménage en péril, donc oui Pascal, je te comprends tout à fait.<br /> <br /> Pour en revenir aux des cadres, j'ai le sentiment qu'ils sont de plusieurs catégories:<br /> - Ceux qui managent leur carrière: ils sont souvent sur-diplômés, très bien payés et n'ont aucune intention d'en rester là. Donc soit ils progressent avec leur équipes et là, se sont des bons, soit ils progressent en léchant quelques bottes (ou autres suivant leurs affinités), et là se sont des mauvais, qui sont même prêts à sacrifier leur équipe pour y arriver. En général, leur chef est de la même espèce, ne comprenant pas comment on a bien pu donner une telle équipe de minables à un si brillant et si prometteur collaborateur. <br /> <br /> - Ceux qui managent leur fonction: Ceux-là sont convaincus que la boite qui les emploi ne tient debout que grâce à leur performances. Soit ils ont raison et leur boite va droit au dépôt de bilan, soit ils ont tort et leur aveuglement pour leur fonction si valorisante n'apportera aucune valeur ajoutée, ni à leur employeur, ni aux membres de l'équipe qui bosse avec eux. D'ailleurs, à la première promotion qui leur échappe et qui est donnée à un petit camarade, ou pire, à une embauche extérieure, il passe dans une autre catégorie.<br /> <br /> - Ceux qui ne managent rien du tout: Ils sont en général arrivé là par le hasard de l'avancement ou du copinage. Ce sont les plus difficiles à cerner car leur compétences reconnues avant d'accéder aux fonctions actuelles ne leur sont en général d'aucune utilité pour leur job actuel. Ces sont souvent d'excellents professionnels dans un domaine technique précis, mais qui une fois promus, sont incapable de faire le boulot pour quoi on les payes maintenant, encadrer efficacement une équipe.<br /> Dans le même registre, ceux qui sont déçus que personne n'ai pu reconnaître leur réelle valeur. Leurs chefs sont donc des incapables qui ne méritent en aucune manière leur poste de responsable. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, ils doivent "s'occuper" de l'équipe de branquignoles la plus lamentable de cette boite qui ne les mérite pas. Je m'abstiendrais de dire que se sont les pires, mais ce ne sont pas les plus faciles à vivre pour les pauvres gars qui doivent travailler avec eux.<br /> <br /> D'ailleurs, je me plais à généraliser une carence récurrente chez les cadres, qu'ils managent leur carrière, leur fonction ou rien du tout. Leur fonction première est bien d'encadrer une équipe, mais pas pour le plaisir d'être "chef". Le point difficile du "job" de cadre, c'est de détecter les vrais talents, les futurs managers de la boite. Bref, de mon point de vue, un vrai manager qui réussit, c'est celui qui fait réussir son équipe avant tout, et pas celui qui a une vision administrative de la fonction.<br /> <br /> Tout cela est tiré de mon expérience personnelle, quand je bossais dans un grand cabinet d'audit et de conseils, mais j'ai pu depuis constater tout cela dans mes autres métiers.<br /> <br /> Pour conclure ce (trop) long post, je ne dresse pas là une liste exhaustive des "profils" des managers. Je ne considère pas non plus mes observations comme étant définitivement acquises et immuables, et je tente de garder au maximum un esprit ouvert et critique. <br /> <br /> Et pour paraphraser l'illustre vrai Groucho Marx, "si vous n'aimez pas mes opinions, j'en ai d'autres." <br /> <br /> Bon w.e. à tous.<br /> <br /> GM
M
Bonsoir Pascal...Je ne commais rien au monde du travail dit Gillou, mais j'arrive de bosser. Certes une partie de mes dipmômes ne m'a servi à rien sinon à savoir très vite faire une synthèse.<br /> Je ne lirai tes articles que dimanche car un imprévu m'oblige à être absent toute la journée demain.
G
Pascal, je ne commente pas tes commentaires parce que, bien sûr, ce que tu dis est réel et ne changera guère quoi qu'on fasse, car tel est l'homme.<br /> Dans les petites structures, tout dépend du boss, s'il est honnête, propre et organisé... tout le monde se sent obligé de lui emboiter le pas.<br /> <br /> Il y a des restaurants ou tout est super clean, d'autres ou le chef sort sa bite aux repas du personnel, fume en cuisinant et fait subir des bizutages à tous les nouveaux venus....
P
C'est vrai que Groucho a piqué ma curiosité. Je me demande ce qu'il peut bien faire... Tueur à gages ? Videur dans un club louche ? Dégraisseur peut-être ? Sociologue ?... Allez Groucho ! Pas forcé de faire long !
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