François Fillon, patron d'un gouvernement sans patron
Après la décision annoncée vendredi par Arnaud Morvan, patron de la CFDT-cheminots, d'appeler les adhérents du syndicat à reprendre le travail, le gouvernement s'est une nouvelle fois précipité sur un possible "faux pas" des grévistes pour faire savoir par la voix de Xavier Bertrand qu'aucune négociation ne serait entamée sans une reprise globale du travail par l'ensemble des agents SNCF.
Assez curieusement, les propos de Xavier Bertrand ont ensuite été démentis par un représentant de l'Elysée, présenté par les journalistes comme étant un émissaire parlant au nom du chef de l'Etat, et qui a corrigé en assurant ceux qui ont bien voulu l'écouter que le début de négociations tripartites ne serait pas conditionné par une reprise préalable du travail...
Après ce premier épisode, on commençait déjà à se demander qui faisait quoi et qui prenait ses ordres de qui dans le gouvernement français quand les propos de l'émissaire de l'Elysée ont à leur tour été... démentis par François Fillon (!), qui tout comme Xavier Bertrand a clairement laissé entendre qu'il n'y aurait "pas" de négociations sans reprise du travail par les cheminots !
Le moins que l'on puisse dire est que tout cela fait désordre.
Alors qu'une majorité d'organisations de cheminots ont déjà appelé à une poursuite du mouvement en début de semaine prochaine, côté gouvernement on ne sait plus très bien si c'est Nicolas Sarkozy qui décide, faisant en l'occurrence porter ses messages par d'autres, si c'est plutôt François Fillon, dont on se demande s'il est réellement prêt à passer outre des consignes implicites de l'Elysée (?), ou si c'est Xavier Bertrand, ministre du Travail dont on ne sait plus du tout auprès de qui il prend véritablement ses ordres...
Le spectateur de ce qui commence à tourner en vaudeville sera d'autant plus perturbé que par moments, on a pu l'observer à plusieurs reprises depuis le début du conflit avec les cheminots, Xavier Bertrand comme François Fillon se sont comportés comme si ni l'un ni l'autre n'avaient plus de "chef", tout au moins comme si aucune ligne commune n'avait été définie au sujet des grèves, les déclarations de Fillon ne recoupant pas toujours celles de Bertrand et inversement.
Alors Bertrand, ministre, travaille-t-il encore pour Fillon, Premier ministre (pour lequel le courant ne passerait plus aussi bien qu'on le dit avec Nicolas Sarkozy) ? On ne peut qu'en être de moins en moins sûr... Ce qui a conduit des journalistes à "dégainer" très vite, histoire de ne pas être pris de vitesse, au cas où sans le savoir nous serions effectivement en train d'assister à une possible brouille entre Nicolas Sarkozy et François Fillon : les mêmes font remarquer que Xavier Bertrand semble, plus que jamais, particulièrement bien placé pour prendre la place de François Fillon au poste de premier ministre. Un Fillon contesté, quand il n'est pas brocardé ou ridiculisé en coulisses par des cadres de l'UMP pourtant tout aussi transparents que lui, mais qui n'ont pas l'extraordinaire malchance d'avoir à subir les affres du travail quotidien avec un président de la République frappé de mégalomanie galopante, qui pratique la thérapie par l'injure mais... uniquement pour les autres, et qui a sciemment vidé le gouvernement français de tout ce qui faisait autrefois sa substance.
Seuls Rachida Dati, Valérie Pécresse et en ce moment Xavier Bertrand semblent conserver une marge de manoeuvre minimum, et ça tombe bien car chacun des trois a besoin du soutien que peut représenter un effacement relatif du chef de l'Etat au moment où les choses se gâtent à la fois pour la ministre de la Justice, pour la ministre de l'Education et pour le ministre du Travail : si Dati termine son tour de France des tribunaux, elle ne peut désormais plus entrer dans un quelconque palais de justice par la grande porte (!) ; Valérie Pécresse, de son côté, n'a pas fini d'être confrontée à des étudiants que l'on suppose manipulés par des organisations de gauche ou/et d'extrême-gauche qui arrivent à les faire manifester contre un projet dont 99,9% d'entre eux n'ont pas lu une seule ligne (...) ; Xavier Bertrand, pour finir, est toujours en plein bras de fer avec des cheminots dont le mouvement n'a toujours pas éclaté comme prévu, la base refusant purement et simplement d'entamer des négociations auxquelles les instances dirigeantes se montrent de moins en moins hostiles.
Dans le même temps, pour tous les autres ministres, les vacances commencées au mois de mai se poursuivent. Invitée hier du Grand Journal de Canal Plus, Christine Boutin, qui aurait fait du ministère du Logement un asile d'aliénés pour catholiques intégristes, s'est ridiculisée en démontrant qu'en-dehors d'une délocalisation de son ministère à Lyon raillée par de nombreux médias, sa "feuille de route" restait désespérément vide... Pas folle, la Boutin a notamment sous-entendu pour se défendre qu'elle travaillait dans un secteur particulier, que les logements sociaux ne se construisaient pas tous seuls, mais on sait très bien que ces paroles n'auront pas apporté le moindre réconfort à tous ceux, salariés ou pas, qui le même soir ont dormi dans la rue ou dans des caravanes par une nuit où le thermomètre est descendu en-dessous de zéro.
Autre ministre, autre forme de sieste : alors qu'elle avait commencé à se spécialiser dans les chiens écrasés, MAM a fini par laisser tomber, s'apercevant peut-être que passages dans les médias ou pas, rien ne lui vaudrait finalement une quelconque forme de respect de la part d'un Sarkozy auquel elle avait eu le front de s'opposer quand l'actuel président de la République briguait l'investiture de l'UMP pour la présidentielle...
Morin, de son côté, fidèle à sa réputation de pièce débauchée uniquement pour faire de la figuration, n'a même plus d'occasions de faire la preuve de son inaptitude à gérer quoique ce soit, lui dont la principale occupation jusqu'à ce jour en tant que ministre de la Défense aura été de superviser la planification de la coordination de la préparation de l'organisation du défilé "européen" du 14 juillet, qui a eu lieu il y a... quatre mois.
Hortefeux ? Il n'a pas atteint son quota, et n'a donc pas vraiment le temps de s'exprimer. Borloo ? N'a "travaillé" que quelques jours depuis six mois : on n'a pas entendu parler de lui avant le Grenelle de l'Environnement et on n'en a plus entendu parler depuis... Kouchner ? On sait désormais que la principale activité du ministre des Affaires étrangères et européennes consiste à aller shampouiner les moquettes partout où Nicolas Sarkozy devra se rendre dans le futur. Et puis il y a les autres... Tous les autres, ceux qui ne doivent leur présence dans le gouvernement Fillon qu'à leur proximité avec le premier ministre (cas le plus rare, notamment celui de Michel Barnier) ou à la volonté de Nicolas Sarkozy de ne s'entourer que de tâchons, suffisamment nuls (voire stupides) pour que l'on puisse aisément leur faire porter le sombrero en cas de problème, mais si prompts à faire toujours ce qu'on leur dit qu'ils n'auront vraisemblablement jamais à y glisser leur tête, à deux ou trois exceptions près : Christine Lagaffe, déjà en route pour porter seule la responsabilité de l'échec des théories économiques délirantes de Nicolas Sarkozy ; Ramatoulaye Yade, cantonnée dans un vague rôle d'hôtesse de l'air après une sortie calamiteuse à Aubervilliers après laquelle François Fillon avait dû la fesser ; Fadela Amara, qui multiplie les déplacements aux frais du contribuable sans même prendre la peine de les assortir d'un nombre équivalent d'initiatives grotesques, comme le désormais célèbre plan "anti-glandouille", qui fait passer les jeunes de banlieue pour des demeurés en développant l'idée que sans intervention de l'Etat, on ne pourrait absolument rien tirer d'eux...
On n'a plus vraiment affaire à un gouvernement, on a affaire à "la fin d'un gouvernement", dont Nicolas Sarkozy devra d'ailleurs se débarrasser pour s'exonérer de toute responsabilité dans l'échec de ce qui est pourtant "sa" politique, échec déjà effectif dans... la plupart des domaines.
Si le courant ne passe plus aussi bien qu'avant entre Sarkozy et Fillon, c'est probablement parce que Fillon n'est plus dupe, parce qu'il a enfin compris ou admis que pour rester à flot, Nicolas Sarkozy n'aura aucun scrupule à mettre un terme à sa carrière de Premier ministre.
L'époque est d'autant plus tendue pour François Fillon que si Xavier Bertrand se montre performant dans la réforme des régimes spéciaux de retraite, il quittera le champ de bataille avec des galons de Premier ministre potentiel, arrivant à pic pour remplacer au pied levé un Fillon sur lequel plus personne ne miserait un kopeck : trop présent pour ne pas être associé à tous les échecs, trop absent pour être associé à des réussites qui de toutes façons ne relèveront jamais que de l'anecdote.
Après les promesses non tenues, voire les mensonges ehontés (golden parachutes, dépénalisation du droit des affaires), après les échecs cuisants (croissance, relance de l'emploi, pouvoir d'achat, lutte contre les déficits, redressement des comptes de la Sécu, etc.), après aussi l'apparition d'une lassitude bien ancrée chez un certain nombre de Français que Sarkozy "éreinte" en cavalant dans le poste, il n'est pas interdit de penser que le chef de l'Etat envisage peut-être de lever le pied et de changer non pas de politique, mais de façon de faire (on pourrait dire aussi de ne jamais faire) de la politique.
Ainsi, il ne serait inenvisageable de voir un jour prochain un Fillon, totalement inexistant, remplacé par un Bertrand qui pourrait jouer un rôle plus en rapport avec le vrai rôle d'un Premier ministre, Sarkozy se contentant alors de faire ce qu'il sait faire de mieux, à savoir du vent, mais de façon un peu moins bruyante, ce qui se passe en-dehors des frontières de la France intéressant désormais bien plus le président de la République que tout ce qui peut se passer à l'intérieur.
Pour l'heure, on n'en est pas encore là, même si Fillon, intelligent, commence à collectionner les "simulacres de faux pas" (voir lien ci-dessous : "Fillon dévoile ses états d'âme")... histoire de faire comprendre à Sarkozy qu'il est prêt à être sacrifié ?
Car c'est toujours un fait : en pleine période de grèves, en pleine période de doutes, en pleine période où tout le monde, finalement, aimerait voir un Premier ministre digne du titre à la tête du gouvernement français, François Fillon, malgré des efforts visibles, n'a jamais été aussi absent, et il continue de n'intéresser absolument personne.
Très mauvais choix de sujet pour Christine Kelly, journaliste, qui sort justement ces jours-ci la première biographie d'un homme qui, ironie du sort, n'aura peut-être aucune envie de lire le récit de sa propre vie écrit par une autre... devinant une suite qui ne devrait rien avoir d'extraordinaire ? C'est possible : Fillon l'insoumis, incarnant mieux que tout autre (à l'exception de Martinon, Yade et quelques autres post-pubères) la vie parfois si dure des carpettes sarkozyennes... Le jeune François aurait sans doute refusé d'y croire !
Fillon dévoile ses états d'âme
http://www.lejdd.fr/cmc/politique/200745/fillon-devoile-ses-etats-d-ame_70243.html
Parution d'un livre sur François Fillon ? Dans Google, on ne connaît pas !
http://news.google.com/news?oe=UTF-8&um=1&ie=UTF-8&tab=wn&q=livre+sur+fran%C3%A7ois+fillon
Heureusement, journaliste Christine Kelly, auteure du bouquin sur Fillon, en parle sur son site, ce qui devrait lui garantir... une bonne demi-douzaine de ventes à l'occasion des fêtes de fin d'année.
http://www.christine-kelly.fr/